Pourquoi protéger ce patrimoine militaire ?
Si l’Histoire nous laisse des traces, ses supports de mémoire se font parfois rares. Pourtant, prendre soin de notre héritage, constitue un rempart de nos vies. L’architecture des bâtiments militaires est peu connue, à part quelques illustres exemples tels que les citadelles de Vauban ou bien l’Hôtel national des Invalides qui abrite le Musée de l’Armée. Ces dernières années, ils ont souvent été récupérés pour d’autres usages. Un exemple contemporain culturel d’envergure de reconversion est l’ancienne base sous-marine de Bordeaux devenue “Bassins de Lumières” centre d’art numérique. D’autres exemples renaissent de leurs cendres ; c’est le cas du collège Royal et Militaire de Thiron-Gardais à l’initiative de son dépositaire passionné, Stéphane Bern. Avec ces différents exemples aux programmes variés, force est de constater, combien le patrimoine militaire est fédérateur.
Le patrimoine bâti militaire et les spécificités de l’Hôtel des Troupes de Montagne
Par leur fonction, l’époque, les édifices militaires se sont distingués des constructions civiles par des traits caractéristiques : un plan-masse articulé avec une place d’armes, des volumes et des formes sobres, une façade à la trame répétitive rythmée par des ornements symboliques, des seuils d’entrées de sites particulièrement soignés, un pavoisement toujours présent. La qualification des espaces a toujours été pensée de pair avec l’identification des usages, et dans un esprit de rigueur.
L’Hôtel des Troupes de Montagne a pour spécificité forte d’avoir toujours gardé ses activités opérationnelles dans son site militaire urbain à forte valeur patrimoniale, lui assurant ainsi une protection contre les affres du temps tel que l’abandon, là où d’autres ont eu une parenthèse d’oubli dans le temps. Cette visibilité ne peut se satisfaire d’une simple présence comme protection. En effet, le travail de conservation, de restauration, de publications scientifiques et d’activités muséales est indispensable à sa pérennisation. D’autres leviers restent encore à explorer : l’Armée occupe moins la cité/ville de Grenoble en terme d’étendue facilement identifiable, même si ses ensembles imprègnent profondément l’espace urbain et l’imaginaire collectif de ses habitants, ne serait-ce qu’en terme de repères spatiaux, parcellaires et esthétiques. Présent depuis le XIXe siècle, son existence témoigne de la relation ancrée qui unit la ville à l’institution militaire.
Pour Hannah Arendt, la culture c’est ce qui dure. Ainsi, l’Hôtel des Troupes de Montagne n’a jamais perdu son identité militaire. Aujourd’hui, il affiche clairement ses spécificités en étant force d’actions conjointement avec le Musée des Troupes de Montagne. Lors des journées du patrimoine, en 2020, le Général de la 27e BIM a ouvert son bureau officiel au public pour la première fois, actant le lien militaire civil et rappelant que ce patrimoine appartient à la Nation française. Ce patrimoine vivant, ne cesse de mener une politique de remise en valeur interne et externe avec l’exigence de la représentation militaire. Ce patrimoine architectural et muséal militaire est doté de multiples fonctions : l’héritage de l’histoire des Troupes de Montagne, une reconnaissance au service des familles qui dédient leurs vies à la Nation, une identification et une pérennisation de sa présence. Et, surtout un vecteur de transmission de la culture militaire qui incarne l’esprit de Défense auprès du monde civil comme du monde militaire qui n’en a pas toujours justement conscience.